Édition du mercredi 25 janvier 2017
Estelle Grelier : « Je plaide pour une pause institutionnelle pour le bloc communal »
© Maire info
La réforme de la carte intercommunale voulue par la loi Notre a finalement conduit à une réduction de 39 % du nombre d’EPCI à fiscalité propre. Est-ce un bon résultat à vos yeux ?
On passe en effet de 2 062 EPCI à fiscalité propre au 1er janvier 2016 à 1 266 au 1er janvier 2017. Cela montre un très grand engagement des élus, mais aussi des agents et des collaborateurs administratifs et techniques. En effet, entre le moment où l’on décide d’une fusion et celui où on la met en mouvement, il y a un énorme engagement qu’il faut saluer. Toutes les équipes sont aujourd’hui dédiées à cette tâche sur les territoires.
La loi Notre ne comprenait pas d’objectif mathématique. On ne s’était pas dit qu’il fallait que le nombre d’intercommunalités baisse de 40 %, de 10 % ou de 5 %. Ce qui a animé la loi Notre était le rehaussement du seuil à 15 000 habitants pour faire en sorte qu’au maximum, les intercommunalités correspondent aux bassins de vie. En augmentant les seuils, on est arrivé à des périmètres cohérents pour que les services publics soient organisés à la bonne échelle corrrespondant au territoire du quotidien des habitants.
En matière économique, chacun s’accorde à dire qu’il faut une taille critique pour pouvoir développer des politiques économiques qui comptent, notamment dans le tandem avec la région. C’est aussi sur ces périmètres qu’il faut organiser les services publics, qu’il s’agissent des transports, de l’accès aux crèches ou de l’action sociale.
Les intercommunalités ont fait leur mue. Elles sont maintenant matures et peuvent organiser les services publics. Mais elles font face aujourd’hui à deux enjeux extrêmement importants : elles doivent démontrer qu’elles peuvent encore mieux organiser la solidarité entre leurs communes. Le deuxième enjeu est la féminisation des exécutifs communautaires. Elle est insuffisante et je ne vois pas d’autre moyen pour obtenir une féminisation accrue que de réfléchir à une élection directe pour les intercommunalités. Avoir un suffrage universel direct sans fléchage peut permettre de renforcer cette féminisation.
Justement, ce débat sur l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains a été reporté de deux ans. Pensez-vous que ce débat, et de façon plus générale celui sur l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, soit enterré ?
Je rappelle que l’Assemblée nationale avait validé l'élection directe pour toutes les intercommunalités. C’est une mesure que j’ai toujours soutenue. Ensuite, un compromis a été trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat en commission mixte paritaire. Je le respecte naturellement. Pour moi le débat n’est donc pas enterré puisque l’échéance est fixée à 2020. Pour honorer les engagements de la loi Maptam concernant les métropoles, il suffit d’un texte avant 2019 pour fixer l’organisation électorale. De fait le suffrage universel direct existe depuis 2014 avec les scrutins jumelés mais là on parle d’une élection sans fléchage.
On ne peut pas dire qu’il ne faut pas de suffrage universel direct des exécutifs communautaires au motif que cela écraserait la représentation des communes. Il existe déjà plusieurs dispositifs dans lesquels les communes pourraient être représentées y compris dans le cadre du suffrage universel direct sans fléchage. Je vois que s’institutionnalisent beaucoup les conférences des maires. Les modalités existent. Il peut y avoir, par exemple, une forme de bicamérisme intercommunal. Il s’agit d’un enjeu de lisibilité des politiques et d’identification plus forte de ceux qui conduisent la destinée des intercommunalités. On ne peut pas mettre ces débats sous le tapis.
Le nombre de communautés de plus de 50 communes, dites XXL, a été multiplié par trois. Certaines de ces communautés en regroupent plus de 150. Est ce vraiment raisonnable en terme de gouvernance ?
C’est un choix des élus. C’est leur liberté de s’administrer et de définir le périmètre eux-mêmes. Le gouvernement n’a pas à donner de consignes sur le sujet. Il n’y a pas eu de poussée du gouvernement vers la création de très grandes structures. A chaque fois qu’elles ont été mises en place c’est sur le souhait des élus.
Il faut cependant être vigilant notamment sur un sujet, celui du retour aux communes d’un certain nombre de compétences. Il ne faut que cela soit désintégrateur du fait intercommunal.
Rejoignez-vous la demande des élus d’une pause en matière de réforme territoriale afin de pouvoir mettre en œuvre la nouvelle organisation ?
Il y a aujourd’hui une vraie mécanique administrative qu’il ne faut pas sous-estimer et je plaide en effet pour une pause institutionnelle s’agissant du bloc communal. Ce qui ne l’emporte pas sur le fait que le droit commun existe. Ainsi, si demain deux intercommunalités veulent fusionner, elles pourront activer les procédures de droit commun avec des majorités qualifiées un peu plus fortes, mais il est souhaitable qu’il n’y ait pas d’autre schéma avec un accroissement du seuil dans des échéances de moyen terme. Je pense que le travail a été fait et que maintenant l’aspiration des élus qui sont dans la mécanique de fusion, et c’est légitime, est de pouvoir porter ensuite leur projet de territoire.
Quel regard portez vous sur le succès des communes nouvelles ?
C’est un sujet sur lequel je veux faire preuve de modestie parce qu’en mars 2015, au moment du vote de la loi portée par Jacques Pélissard et Christine Pires Beaune, peu de gens, voire personne, ne pensait que cela allait avoir un tel succès. On répond finalement à des demandes un peu particulières d’élus qui veulent se regrouper et qui considèrent, d’ailleurs à juste titre, que les procédures administratives sont trop lourdes. Cela a généré un mouvement de rapprochement de communes inédit. C’est un vrai succès que je lie à plusieurs choses : face à des régions et des intercommunalités qui grandissent, la commune se demande légitimement quel est le meilleur périmètre pour s’organiser pour peser dans les débats de ces instances.
Ce succès s’explique aussi par le fait qu’il s’agit d’une démarche volontaire. Les conseils municipaux sont souverains, ils ne sont pas acculés à une décision. Ce n’est pas un schéma imposé par l’Etat.
Je crois aussi qu’un certain nombre d’élus ne se sont pas encore engagés dans cette démarche parce qu’ils n’en avaient pas parlé aux habitants quand ils sont présentés aux élections de 2014. Je ne suis pas sûre qu’à l’horizon 2020, il n’y ait pas un certain nombre de projets de communes nouvelles envisagés faisant alors partie des programmes des candidats aux municipales. 1,7 million d’habitants sont aujourd’hui concernés, ce n’est donc pas un mouvement anecdotique et il faut le poursuivre sur la base du volontariat. L’incitation financière qui a été activée a facilité la décision mais ce n’est pas elle qui l’a déclenchée.
Propos recueillis par Christine Nemarq
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